Essai | Jack Sparrow : Manifeste pour une linguistique pirate de Laurent de Sutter
Auteur : Laurent de Sutter
Editeur : Les impressions nouvelles
Collection : La fabrique des héros
Genre littéraire : essai
Parution : 2019
Pages : 124
Prix : 12 €
Jack Sparrow, dont le nom de moineau claque comme un drapeau dans le vent, est à la fois le pire et le meilleur des pirates. Ses aventures fantasques et fantastiques nourrissent depuis 2003 la franchise de blockbusters hollywoodiens Pirates des Caraïbes.Créé d?après une attraction du parc Disneyland et interprété pour l?éternité avec une réjouissante et irrésistible facétie par l?acteur Johnny Depp, Sparrow affronte inlassablement des soldats, des boucaniers et d?autres créatures surnaturelles à la recherche de trésors prodigieux.Entre deux gorgées de rhum (et deux ivresses), Sparrow parvient à ses fins en parlant, en négociant, en mentant et en trahissant. L?arme préférée du pirate n?est autre que la parole. Mais quels sont donc les ressorts retors de cette linguistique pirate ?
2/5
BOF
Pirates des Caraïbes... une de mes sagas cinématographiques préférées! Je vénère Jack Sparrow qui est absolument génial! Et accessoirement, j'aime tout ce qui a attrait à la piraterie que je retrouve souvent via des romans, des séries, des films et des jeux vidéos. Je lis très peu d'essais, j'essaie de bien les choisir en me focalisant sur ceux qui se consacrent à des sujets qui m'intéressent fortement et je pensais que cet essai allait beaucoup me plaire mais au final, ça n'a pas été le cas.
L'auteur nous livre ses réflexions et ses explications sur le Code des pirates (le guide), sur les pourparlers, les légendes, les mensonges et manipulations, la séduction, les répliques et les punchlines. Toutes les formes de langage, en somme, de moyens de communication. Et Jack en est avare, ce personnage est exceptionnel en ça: sa façon de s'exprimer, ses gestes, son aura... et j'en passe! J'ai l'impression de comprendre un peu mieux Jack, ainsi que quelques personnages en plus d'avoir un nouveau regard sur des éléments auxquels je n'avais jamais prêté attention en regardant les films.
Avant d'appuyer un propos et d'analyser un fait, il y a des résumés de certaines scènes qui m'ont fait plaisir (par contre, les répliques ne sont pas mot à mot, dommage! Je connais tellement cette saga par coeur que je n'ai pu que noter ces petites différences.). Il y a pas mal de notes et de références à des ouvrages pour aller encore plus loin, pour enrichir sa culture générale, c'était plus que bienvenu et j'ai noté quelques titres que j'aimerais découvrir.
Je n'ai clairement pas tout compris, c'était parfois complexe et plus d'une fois, j'ai décroché même si j'ai été jusqu'au bout. J'ai souvent du mal avec le côté "philosophique" et le langage utilisé par l'auteur bien que ses réflexions soient intéressantes.
En bref, c'est un essai assez intéressant pour mieux comprendre Jack Sparrow ainsi que certaines subtilités du monde des pirates. Mais je n'ai pas tout compris et j'ai survolé certaines passages. Il n'empêche que j'ai aimé les résumés, certaines analyses de scènes ou de personnages. Je m'attendais quand même à tout autre chose et à plus apprécier ma lecture.
Merci à Babelio et aux Impressions Nouvelles pour la découverte de ce titre.
Ce n'était pas un hasard s'il n'obtenait jamais ce qu'il voulait, si toutes ses quêtes restaient sans résultat tangible; l'essentiel, dans les aventures qu'il traversait, était combien ce qui échappait à sa volonté nourrissait son désir. Sa volonté était de devenir immortel, tandis que son désir était de devenir une légende: en tant que telle, cette volonté ne pouvait qu'échouer, tant qu'elle ne s'abandonnait pas au mouvement du désir qui la faisait mentir. A quoi bon devenir le capitaine du Hollandais Volant ou boire à la Fontaine de Jouvence? Après tout, si c'était possible, la légende prendrait fin _ et, avec elle, la vérité de la vie de Sparrow, de ses discours comme de ses actions. Il fallait abandonner tout cela pour pouvoir être, c'est-à-dire pour pouvoir être embarqué dans la légende d'un désir qui ne pouvait se dire que par l’esbroufe, la fanfaronnade, le bluff, ou la drague, de préférence lourdement imbibée. Il fallait abandonner la terre et la volonté, l'ordre et la signification, la mesure et la fiabilité, et se laisser aller aux délices de l'indicible, du vague, du flou, du fumeux _ car du brouillard seul pouvait naître un peu de clarté.
Lorqu'ils faisaient mine de se plier au "code", Sparrow ou Barbossa semblaient attester de leur conformation à la conception du langage que dénonçait Agamben: celle rendant possible une parole fiable. Pourtant, la distinction entre "règle" et "guide" aurait déjà dû naître un soupçon; il était possible que la fiabilité dont il était question ne fût que très relative, et que ce fût cette relativité même qui en constituât la dimension centrale. C'était surtout vrai dans le cas de Sparrow, qui mentait comme un arracheur de dents, ne tenait pour ainsi dire jamais sa parole (surtout lorsqu'il la tenait) et embobinait tout le monde sans jamais cesse de se considérer comme un pirate. Son respect flou à l'égard du "code" constituait le critère improbable à l'aune duquel juger de son rapport au langage en général, et donc à la manière dont la piraterie en interprétait la dimension juridique _ ou, plutôt, la dimension légale.
Prétextant serrer la main de Sparrow, il lui souleva soudain la manche, révélant la cicatrice d'une brûlure au fer rouge épelant le "P" de "pirate", ainsi que le tatouage d'un petit moineau (sparrow en anglais).
_ Tiens donc... Jack Sparrow, n'est-ce pas? demanda le commodore.
_ Capitaine Jack Sparrow, s'il vous plaît Monsieur, répondit le pirate.
_ Je ne vois pas votre bateau, capitaine.
_ Je suis sur le marché, pour ainsi dire.
Après qu'on lui eût apporté les effets de Sparrow, et qu'il les eût examinés, Norrington poursuivit:
_ Pas de balle supplémentaire, ni de poudre; une boussole qui n'indique pas le Nord; et (tirant le sabre de Sparrow de son étui) je m'attendais presque à ce qu'il soit fait de bois... Vous êtes, sans nul doute, le pire pirate dont j'aie entendu parler.
Ce à quoi, arborant le sourire satisfait de celui qui vient de recevoir un compliment, le capitaine rétorqua:
_ Mais vous avez entendu parler de moi...