Soudain, seuls - extraits
C'est si simple, si beau, quasi indicible. La baie encerclée de tombants noirâtres, l'eau qui scintille comme de l'argent brassé sous la légère brise qui se lève, la tache orangée de vieille station et le bateau, leur brave bateau, qui semble dormir, les ailes repliées, pareil aux albatros du matin. Au large, des mastodontes immobiles, blanc/bleu, luisent dans la lumière. Rien n'est plus paisible qu'un iceberg par temps calme. Le ciel se zèbre d'immenses griffures, nuages, sans ombre de haute altitude, que le soleil ourle d'or.
Ils se font des relations, dont le fameux Hervé, vieux briscard du charter en Patagonie, qui les aide à dénicher le bateau idéal. De prime abord, ils ont trouvé le voilier lourdaud et ventru, tristounet dans l'arrière-cour d'un chantier vendéen, mais son nom, Jason, les a séduits. Vivre des aventures dignes de la mythologie, conquérir leur propre toison d'or, voilà exactement leur but!
Elle le sent, elle le sait. Elle doit vivre. Donc partir. C'est tout.
Ne reste-t-il rien de leur amour, ou tout le moins une parcelle de compassion en elle? Est-elle devenue un monstre d'égoïsme?
Être soudain, seuls.
Passer de la société du tout à celle du rien.
Être isolé à l'heure de la communication mondialisée.
Faire face à une nature hostile.
Réapprendre des intuitions ou des gestes ancestraux.