A la maison close - extraits
Son père tira sa montre gousset de sa poche et tempêta:
– Nous allons finir par être en retard ! Ah, si nous n’avions pas perdu de temps à vous convaincre de venir, nous n’en serions pas là ! Quand je pense que vous ne vouliez pas être présenté à votre future épouse ! Après tout le mal que j’ai eu à convaincre son père ! Heureusement, grâce à mes relations…
– Grâce au fait surtout que votre fils est aujourd’hui un héros, l’interrompit sa mère.
Pierre soupira. Voilà, ils étaient de nouveau repartis dans une querelle sans fin. Sur un sujet qui le heurtait au plus haut point, mais où il n’avait pas son mot à dire. Il était promis à cette Clémence, fille d’un général attaché à l’Empereur dès la première heure. Et il savait pertinemment que sa mère avait raison : c’était en raison de ses glorieux faits d’armes qu’il avait été choisi. Et lui, on ne lui avait pas donné le choix.
Tristement, il se plongea dans la contemplation du spectacle parisien, par la fenêtre. Dommage que la vie ne soit pas comme un champ de bataille. Au moins, il aurait le choix.
La prostituée s’éloignait presque en courant. Ses bottes usées claquaient sur le pavé parisien à un rythme rapide. Elle se retourna encore une fois et s’assura que personne ne la suivait. La rue était déserte. Elle obliqua dans une rue perpendiculaire et rejoignit un carrosse qui apparemment l’attendait. Une tête blonde se pencha à la fenêtre.
– Alors, Séléna, il a marché ? demanda Morgane.
L’ex-prostituée éclata de rire.
– Non, il n’a pas marché, il a couru plutôt ! Allez, filons !
Séléna s’engouffra à l’intérieur et le cocher fouetta ses chevaux. Peu de temps après, une brume étrange inonda les quais de Seine et noya Paris dans un silence ouaté
Il claqua la porte et Clémence attendit que son pas se fût éloigné pour cracher par terre et s’essuyer la figure. Son plan était parfait et elle alla se coiffer devant son miroir. Son sourire était machiavélique.
– Oui, mon cher Pierre, tu apprendras qu’on ne néglige pas une femme de mon rang !