Lucrèce Borgia - extraits
Gubetta: Sur ce cheval, il y avait deux frères.
Jeppo: Vous l'avez dit, monsieur de Belverana. Le cadavre, c'était Jean Borgia; le cavalier, c'était César Borgia.
Maffio: Famille de démons que ces Borgia! Et dites, Jeppo, pourquoi le frère tuait-il ainsi le frère?
Jeppo: Je ne vous le dirai pas. La cause du meurtre est tellement abominable, que ce doit être un péché mortel d'en parler seulement.
Gubetta: Je vous le dirai, moi. César, cardinal de Valence, a tué Jean, duc de Gandia, parce que les deux frères aimaient la même femme.
Maffio: Et qui était cette femme?
Gubetta: Leur soeur.
"Il y a deux choses qu'il n'est pas aisé de trouver sous le ciel ; c'est un Italien sans poignard, et une Italienne sans amant."
"Oui, les Borgia ont des poisons qui tuent en un jour, en un mois, en un an, à leur gré. Ce sont d'infâmes poisons qui rendent le vin meilleur, et font vider le flacon avec plus de plaisir. Vous vous croyez ivre, vous êtes mort. Ou bien un homme tombe tout à coup en langueur, sa peau se ride, ses yeux se cavent, ses cheveux blanchissent, ses dents se brisent comme verre sur le pain; il ne marche plus, il se traîne; il ne respire plus, il râle; il ne rit plus, il ne dort plus, il grelotte au soleil en plein midi; jeune homme, il a l'air d'un vieillard; il agonise ainsi quelque temps, enfin il meurt. Il meurt; et alors on se souvient qu'il y a six mois ou un an il a bu un vin de Chypre chez un Borgia."
Maffio: Cette femme est belle pourtant!
Jeppo: Oui mais il y a quelque chose de sinistre empreint sur sa beauté.
Maffio: Un ducat d'or à l'effigie de Satan.
Les femmes ne déguisent leur personne que pour déshabiller plus hardiment leur âme. Visage masqué, coeur à nu.